vendredi 27 novembre 2009

Une visite à La Cour à Scrap

C'est avec P'pa qu'on part à La Cour à Scrap un mercredi sombre d'automne. Pas simplement pour voler des pièces et les revendre pas cher pas cher, mais aussi pour des pneus d'hiver «neu avec les titines pis toutes». C'est parce que le petit frère est pauvre, mais l'hiver arrive à grand pas menace d'étendre une glace noire sur les routes.
Une cour à scrap, à la base c'est un endroit particulier, mais à la campagne, une journée grise du mois de novembre, ça devient un endroit parfait pour une «expérience du sacré» (Jean Dansereau).
Dès le premier regard on se croit dans un autre monde. L'affiche, ou plutôt le morceau de bois, indiquant Reclyc-Auto donne un ton lugubre, avec sa peinture blanche et rouge écaillée. À l'entrée, un autre bout de bois nous fait signe de se garer dans la section des clients, au cas où. Faudrait pas se faire compacter la voiture comme on dit!
Une vieille roulotte fait acte de bureau administratif. On peut y lire «Achetons/ Vendons. Comptant $$$$$$$$$$$$$$$$». Le gars (parce qu'on ne peut pas se permettre de le surnommer poliment Monsieur) réfère P'pa à l'autre gars qui travaillait dans le garage, en fait dans le vieux hangar en ruine. Il est a noter leur oublie d'un panneau en mauvais état où on pourrait y lire : Port de la chemise carotté obligatoire.
Ce deuxième gars fait acte de guide jusqu'au vieil autobus scolaire où on y entrepose les pneus usagés, sans réel classement. Sur la route, le gars s'allume une cigarette, tandis qu'un ado tourne autour en tracteur. Il faut se concentrer à marcher dans la boue le long de restants de voitures, ce qui fait presque oublier les autres tracteurs au loin qui poussent des anciens bons véhicules dans le compacteur. Ce n'est qu'une fois rendu à l'autobus pour «enfants spécial» que le gars s'arrête et commence à jaser. Et jaser. Montrer des pneus, et jaser.
«Mon fraère a pogné ça l'hiver pâssé. Tsé y'é jeune là, y va avoir 20 ans. Pis heille, y'es a usés à corde! J'y dis hey tu fais-tu des shows de boucane toé? heu nenon... Ouain ouain me semble tsé! Heilles les jeunes hen! Sont fous!»
Et il continua à jaser ainsi... Jusqu'à la Jetta TDI qui évidement n'allait pas au compresseur.
Pendant ce temps, l'atmosphère était étrangement palpable. Le ciel gris semblait emprisonner l'air dans la cour à scrap. Les arbres morts, le foin au loin qui flotte à la guise de la brise automnale, les chemins boueux et les véhicules abandonnés là, les capots ouverts, les roues retirées et plusieurs pièces manquantes. Une ambiance glauque parfaite pour un long métrage de fin du monde. Le vidéo Believe me de Katie Stelmanis aurait dû être filmé dans ce lieu sombre en cette journée froide.
La transaction fut complétée en deux temps trois mouvements, et ce, en argent comptant $$$$$$$$$$ sans reçu. La douzaine de gars en chemises carottés bleues s'étaient réunis dans la petite roulotte. Pause syndicale, ou façon d'observer de plus près les gens de la ville. Peu importe la raison, ça ne donnait pas envie de trainer là très longtemps.
L'expédition dans ce monde fermé fut brève, mais parue une éternité. Une brèche dans le temps. Une aventure qui marque les esprits pour toujours.
Quelqu'un se cherche des pneus d'hiver? Ça vaut la peine!

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