lundi 5 juillet 2010

Parce que tous peuvent s'exprimer, mais que certains choquent plus que d'autres

En réponse à l'éditorial de Richard Martineau du dimanche 4 juillet dans le Journal de Montréal en Lock-out:

Monsieur Martineau, je suis contente que votre opinion vous permette de subvenir à vos besoins, c’est-à-dire, vous nourrir, vous logez, vous vêtir, et qui sait, même vous divertir. Toutefois, compte tenu de l’importance que peut prendre votre opinion dû à sa tribune, il serait plus juste de modérer vos propos, de maîtriser votre sujet d’éditorial et de cessez de mettre tout le monde dans le même panier tout en les insultant. Comme s’il n’avait pas été suffisent pour les manifestants détenus à Toronto pendant plusieurs heures de ce faire humilier par les policiers, vous promouvez dans l’opinion publique de graves préjugés qui continue cette torture mentale. L’apparence d’article scientifique de vous donnez à votre éditorial du 4 juillet dans le Journal de Montréal est également outrageuse puisque vous confondez manifestants pacifiques aux quelques revendicateurs violents.
Sachez monsieur Martineau, que les manifestants libérés sont à jamais traumatisés de leur expérience. Quand une sirène de police résonne, quand la lueur de leurs phares apparaît, quand leur uniforme se fait voir dans le portrait, tous frémissent de peur. Quand la présence policière fait que vous ne vous sentiez plus en sécurité, c’est qu’il y a un problème. Quand le droit fondamental de manifester, défendu par la Charte des droits et libertés canadienne, est officiellement légal, mais devient officieusement interdit, c’est qu’il y a un problème monstre devant nous tous, citoyens canadiens. Vous faites partie d’une minorité de personne qui reçoivent un salaire pour exprimer leur opinion, pour les autres, la liberté d’expression peut coûter cher.
Plus ou moins mille manifestants qui s’étaient rendu de leurs propres moyens à Toronto pour exprimer leur opinion se sont fait injustement, mais surtout illégalement, arrêtés. Plusieurs centaines d’entre eux ont aujourd’hui une ou plusieurs accusations portées contre eux, sans juste fondement, simplement pour avoir été présent à Toronto. Vous avez le droit, comme toutes et tous, d’exprimer vos idées, d’être en désaccord avec la raison pourquoi des milliers de gens sont allez manifester, contre la façon dont un petit groupe se sont exprimé, mais vous n’êtes pas en mesure ni en connaissance de cause pour les insulter allègrement comme vous l’avez fait dans votre éditorial paru dans le journal en lock-out.
La comparaison que vous faites avec votre fils de deux ans laisse plus qu’à désirer. Si vous maîtrisiez un peu plus le sujet dont vous discutiez, vous auriez vite compris que les «pauvres imbéciles» ne sont pas une «bande de pseudo-anars», mais bien des personnes qui ont des convictions et qui se disent d’allégeance anarchiste. La raison de leurs gestes, bien que ceux-ci soient discutables, était loin de tenter de provoquer la police pour ensuite mieux dénoncer sa répression abusive. Ces «sauvages» comme vous les qualifiés, s’en sont pris aux grands symboles du capitalisme sauvage, qui fait actuellement bien plus de tord à la grande majorité des êtres humains sur cette planète que quelques vitrines brisées.
Lors du déroulement du G20, personne ne pouvait s’attendre à une telle cruauté de la part de la police de Toronto, mais également du SPVM. Mille manifestants se sont fait arrêtés arbitrairement, sans mandat ni raison valable de croire qu’ils étaient liés de près ou de loin au Black Bloc (qui est soit dit en passant, non pas un groupe organisé, mais une technique spontané de manifestation). Peut-être certains des détenus avaient-ils commis du grabuge, mais depuis quand réveille-t-on une centaine de personne pour les arrêter massivement, sans mandat? Depuis quand, dans un pays de droits et libertés chèrement défendus par le libéralisme, arrête-t-on arbitrairement des gens vêtus de noir, des gens arborant un drapeau du Québec, des jeunes marchant dans les rues? C’est sans parler des conditions dans lesquels ils ont été détenus. De longues heures avec très peu d’eau, quelques sandwichs au fromage en tranche et à la margarine, privés de leurs médicaments (je vous laisse vous imaginez le nombre de femmes qui, arrêtant leur prise quotidienne de pilules contraceptives, ont ainsi débuté leurs menstruations dans des conditions où l’hygiène et l’intimité n’existaient plus), privés de chaussures pour la plupart, exposés à la lumière artificielle sans arrêt, en vêtements d’été malgré l’air climatisé tenue au environ de dix degré celcius, sans installation ni confort quelconque pour dormir plus de 10 minutes à la fois. Ces détenus illégitimes ont subi de la torture douce pendant de longues heures, pour certains jusqu’à soixante heures. Cela sans compter la torture mentale, l’intimidation et l’humiliation constante de la part des policiers, ironiquement connus sous le nom d’agents de la paix. 
C’est pour dénoncer ces conditions inacceptables de détention ainsi que les arrestations massives et abusives la fin de semaine dernière à Toronto que la Convergence des luttes anticapitalistes a organisé une manifestation jeudi dernier. C’est pour ces mêmes raisons que près de mille personnes, en toute légalité, ont joint la marche. Pour exprimer leur opinion, leur déception face à notre État, leur indignation face aux forces policières. Jamais, au grand jamais, les quelques casseurs n’auraient pu envisager que leurs gestes causeraient de tels dommages aux manifestants pacifiques. Le referaient-ils maintenant, sachant ce qui s’en suivrait? C’est une bonne question. Peut-être bien, sachant que toutes grandes révolutions sociales ont également connu leurs moments de violences.
Je vous invite à lire un intéressant article paru dans le Devoir dimanche le 29 juin écrit par Francis Dupuis-Déri, professeur de science politique à l’UQAM ayant beaucoup étudié et écrit au sujet des mouvements sociaux, dont le féminisme et l’antiféminisme, l’anarchisme ainsi que le Black Bloc. Peut-être comprenderiez-vous mieux de quoi il est question. Voici le lien : http://www.ledevoir.com/international/actualites-internationales/291694/g20-n-attendez-plus-les-barbares-ils-sont-la


Vous excuserez la longueur inhabituelle de ce post.  Liberté d'expression exige.

4 commentaires:

Lolo a dit…

Lui as-tu envoyé à Martineau ?
C'est excellent. Mon amie a vécu tout ça, c'est elle et sa soeur jumelle qui étaient en première page de la Presse vendredi passé.

NA a dit…

merci du dernier lien, je souhaite très fort que mr. martineau prenne au moins le temps de lire l'article.

NA a dit…

y'a aussi ça à voir: http://vimeo.com/12925239

NA a dit…

"People see rock and roll as, as youth culture, and when youth culture becomes monopolised by big business, what are the youth to do? Do you, do you have any idea? I think we should destroy the bogus capitalist process that is destroying youth culture." | Thurston Moore (Sonic Youth)